Joseph Wresinski (1917-1988)
Le fondateur d’ATD Quart Monde, ne fut ni le premier ni le seul à écouter les plus exclus et à se laisser transformer par eux. Mais ce qui fut spécifique dans sa démarche, c’est qu’elle était issue du bas, et qu’aujourd’hui encore elle peut donner à comprendre, de l’intérieur, combien, pour changer les choses et le monde, il est absolument nécessaire de reconnaître les forces, la pensée et la volonté des plus pauvres de s’en sortir eux-mêmes. De les considérer effectivement comme des maîtres à penser autrement la société, et donc comme des leviers pour la paix de tous, sans exclusive. Non seulement faire avec eux, mais faire et être à partir d’eux et de ce qu’ils ont à nous apprendre.
Si cette démarche fut possible, c’est que Wresinski savait, l’ayant vécu, ce qu’un homme humilié porte au fond du coeur, ce qu’une femme désespérée espère encore, pourquoi certains enfants n’ont plus que leurs larmes à donner au monde. Et d’avoir vécu lui-même la plus grande pauvreté lui avait appris ce qu’aucune université n’enseigne : que les plus pauvres du monde n’attendent pas la charité publique, mais qu’on les écoute enfin, à égalité d’humanité. « Ne suis-je pas un être humain, qu’on me traite comme ça ? »
La rencontre avec les familles marginalisées du camp des sans-logis de Noisy-le-Grand en 1957 fut le catalyseur de son expérience personnelle (fiLes familles que j’ai rencontrées là-bas m’ont fait penser à la pauvreté de ma mère. Les enfants auraient pu être mes frères, ma soeur ou moi, quarante ans plus tôt » dira-t-il plus tard) transformée en volonté de créer avec elles un Mouvement du refus de la misère et un véritable projet de société. Désormais, rejoint par d’autres, il consacrera toute son énergie à faire reconnaître ce peuple en quête de dignité, un peuple avec une pensée et une expérience uniques, indispensables à la société.